Le client. Pourquoi les hommes vont voir les prostituées, et ce qu’ils en pensent.

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À côté de mon bureau se trouve une boîte dans laquelle je collectionne les mauvais souvenirs. Chaque fois que j’ai un flashback ou des “pensées intrusives”, je les note sur un morceau de papier, je le jette dans la boîte et je ferme le rabat. La boîte est assez pleine. Aujourd’hui, j’ai beaucoup brassé dans cette boîte parce que je voulais écrire un texte sur les clients. Et oui, je dis “client'” – cela vient de “quelqu’un de libre” [ le client de prostitution en allemand se dit ‘Freier’ soit le libre], comme dans “marcher sur les pieds des libres” – et c’est donc un euphémisme pour l’abus sexuel, ce que font les clients dans la prostitution, et un des nombreux exemples du fait que nous vivons dans une société qui accepte, normalise et minimise la violence sexuelle contre les femmes. J’utilise le terme “clients” [ ‘Kunden’ au sens général] de toute façon, par manque d’alternatives, et parce que c’est ainsi que les prostituées appellent leurs “clients”, et oui, on peut certainement entendre une touche désobligeante dans ce terme. Je ne dis délibérément pas “acheteur de sexe”, car dans la prostitution, il n’y a pas de sexe qui soit transféré de “travailleur du sexe” à “acheteur de sexe” et remis au comptoir. Curieusement, on parle peu des personnes qui exercent cette violence ; le sujet de la prostitution concerne généralement les femmes qui sont “autorisées” à le faire. Ensuite, j’entends toujours parler de toutes les “putes sûres d’elles, gentilles et sympathiques” que quelqu’un connaît, mais cela ne veut rien dire, parce que je connais aussi quelques HartzIV’ers “sûres d’elles, gentilles et sympathiques”, ce qui ne m’empêche pas de rejeter le système Hartz IV. Rejeter la prostitution ne signifie pas rejeter les prostituées, mais avoir compris le système de la prostitution – un système que les clients établissent – à travers leur demande.
L’autre jour, on m’a demandé comment reconnaître un client, et j’ai dû admettre : s’il n’est pas dans un bordel devant toi en train de brandir un billet, impossible. Non, même moi je ne reconnais pas les clients dans la nature, même après 10 ans de prostitution. C’est parce que, comme vous l’entendez si souvent, ce sont vraiment des “hommes normaux”, ce qui n’est pas censé rassurer ici et maintenant. Si vous demandez aux hommes s’ils sont déjà allés dans un bordel, ils vous mentent généralement (“Je ne ferais jamais ça”) ou vous racontent le conte de fées “Je n’y suis allé qu’une fois et c’était si mauvais que je ne l’ai jamais refait” (si vous entendez quelque chose comme ça : FUYEZ !). Les clients sont de types complètement différents. Il y a tout simplement tout ce qui est représenté, toutes les professions, toutes les tranches d’âge, tous les personnages – une seule chose qu’ils ont tous en commun – nous en reparlerons plus tard.


CLIENTS


Mais à quoi ressemblent les clients ? Tout d’abord, les histoires de tous les hommes handicapés qui ont besoin de la prostitution pour satisfaire leurs besoins sexuels ne sont pas vraies. En dix ans de prostitution, je n’ai pas eu un seul client handicapé, à part cela, il est discriminatoire de supposer que personne ne veut de toute façon des personnes handicapées et avoir des relations sexuelles avec elles volontairement. Pour la partie féminine des personnes handicapées, ce n’est pas vrai de toute façon, car elles sont même plus souvent maltraitées que la moyenne.
Il n’est pas vrai non plus que “beaucoup ne viennent que pour parler”. Pendant tout ce temps que j’y ai passé, il y a eu exactement un tel client (en d’autres termes : un seul). Il est évident que ce raisonnement sert à présenter les hommes comme des victimes (ils doivent toujours être forts et dominants, les pauvres) et en même temps à blanchir ce qu’ils font réellement dans la maison close.


Ainsi la façon dont sont les clients est complètement différente. J’ai eu des clients qui voulaient me baiser sur la fenêtre d’un immeuble de grande hauteur et qui aimaient ensuite me cracher dessus, me faire ramper à quatre pattes et me gicler au visage. J’ai eu des clients – beaucoup d’entre eux – qui m’ont demandé : “Combien ça coûte” et qui ont admis qu’il ne s’agissait pas de sexe mais d’acheter des femmes. J’ai eu des clients qui m’ont souri de manière dégoûtante quand ils ont remarqué que je souffrais (mon premier client était l’un d’entre eux). J’avais des clients qui apportaient des drogues avec eux pour les consommer avec moi.J’avais des clients qui aimaient franchir mes limites et faire exactement ce que je n’avais pas accepté de faire. Des clients qui voulaient me montrer leur armoire à fusils alors qu’ils étaient seuls avec moi et leurs deux toutous géants dans leur maison en pleine forêt (dont une clôture de sécurité de 2 mètres de haut et une réception de téléphone portable inexistante) et qui aimaient me demander encore et encore : “Eh bien, tu as peur maintenant ? Certains d’entre eux ont remarqué précisément ce que je ne voulais pas, mais ont quand même continué.Certains étaient pervers ou pédophiles, certains se branlaient déjà dans le couloir des appartements du bordel (oui, même les femmes non prostituées sont harcelées par la prostitution, les locataires féminines ont dû se dire merci), certains m’ont demandé mon âge la première fois ou m’ont dit qu’ils aimaient les très jeunes filles ou les enfants (“Je travaille dans tel manège, il y a de très jeunes filles, elles deviennent vraiment excitées si on leur donne juste la bonne selle”). Certains se sont sentis obligés de me proposer de me mettre enceinte (pour une raison quelconque), d’autres m’ont demandé s’ils pouvaient “m’avoir”. Certains clients étaient tellement convaincus d’eux-mêmes et de leurs performances sexuelles qu’ils m’ont accusé de ne pas avoir honte de “prendre de l’argent pour ça”, parce que j’en aurais “tiré quelque chose”. Il y avait des clients qui négociaient les prix et si je ne me laissais pas abattre, on m’accusait de n’être intéressé que par l’argent et de devoir “redevenir humaine”. Comme si les prostituées étaient une sorte de service de charité pour les hommes. J’ai eu des clients qui pensaient qu’ils devaient “me montrer comment faire comme il faut” parce qu’ils “ne pouvaient sans ça obtenir ça si facilement”, et des clients qui pensaient me complimenter avec des déclarations objectivantes («tétons excitants»). Je ne sais pas combien de fois on m’a demandé si j’aimais “baiser” en fixant le plafond ou mes ongles, je ne sais pas combien de fois j’ai entendu dire par les clients que ce serait de “l’argent facile”. Si les clients remarquaient que je ne pouvais les gérer qu’avec de la drogue ou de l’alcool, ils m’en mettaient à disposition. Beaucoup d’hommes aimaient me torturer, me baiser sans fin jusqu’à ce que tout soit douloureux. L’un d’eux se tenait devant la porte avec un masque de ski et avait probablement le fétichisme du “méchant masqué” effrayant les prostituées dans les appartements du bordel (ça a mal tourné, car je venais de sortir de la chambre et j’avais encore le fouet à la main). Un client m’a dit qu’il m’avait commandée parce qu’il n’avait pas de pratique sexuelle, qu’il avait essayé avec une poupée en caoutchouc, mais comme elle n’aurait pas été à lui, qu’il m’emmènerait ensuite. L’un d’eux a failli avoir une crise cardiaque, ce qui m’arrangeait bien sûr, l’autre était chrétien et refusait, après que le préservatif ait glissé, de laisser ses coordonnées et de contribuer au coût de la pilule du lendemain, parce que c’était “immoral et aussi un meurtre”. L’un d’entre eux m’a forcée à avoir un orgasme (“Si je veux que tu aies un orgasme, tu en auras un, le client est roi”), et beaucoup se sont excusés quand ils ne pouvaient pas y arriver, parce que maintenant je n’en tirerais plus rien.


Avant que quelqu’un ne pense que j’étais dans la rue et ne décrive ici que le bas de l’échelle du niveau des clients : en aucun cas, car ces gentils messieurs m’ont tous croisée dans l’appartement du bordel ou dans l’escorte, et d’ailleurs, les clients dans la rue ne sont en aucun cas seulement des hommes avec peu d’argent. Ce sont plutôt ceux qui veulent obtenir le moins de limites possibles et tirer le plus de pouvoir et de plaisir sexuel possible de la misère des autres.
Complices. Ils savent exactement ce qu’ils font.Si vous regardez dans les forums de clients, vous n’obtiendrez pas une image beaucoup plus belle. Il y a des hommes qui torturent dans leur cave des jeunes femmes qui ne parlent pas un mot d’allemand avec de l’électricité et qui en sont heureux : “elle se met à trembler quand elle me voit !” Réaction des clients du forum : “Respect !” Les hommes, qui bookent des prostituées forcées et sont heureux qu’elles ne soient pas encore “rodées” (“elle serre encore ses jambes, ma douce ! Il y a encore des sentiments réels ici, ce n’est pas encore une machine. Je l’ai prise par voie orale jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus”) ou les aider à “entrer par effraction” tout de suite ”les six premiers mois on ne doit la commander que comme esclave, jusqu’à ce qu’elle s’y habitue”, “je lui impose directement la gorge profonde et croyez-moi, elle va l’apprendre”, “elle ne savait probablement pas que son annonce disait qu’elle faisait aussi de l’anal et de l’AO [ tout sans préservatif ], lol, bien sûr que je l’ai fait quand même, comme on me l’aurait proposé”, “il y a six mois, elle ne faisait pas d’AO anal toute seule, on a dû lui apprendre qu’elle devait le faire d’abord”. Les pratiques deviennent de plus en plus dures (éjaculation faciale, cracher dessus, fisting, “pousser la boue” et “ordonner la pré-insémination”, gang-bangs, aiguilles, pisser dessus, gorge profonde au point de suffoquer ou d’étouffer) et vous ne pouvez pas vous débarrasser du sentiment qu’il ne s’agit pas de sexe mais de torture, de torturer quelqu’un – une femme. On ne cesse de demander si la femme est “résistante”, si elle tolère bien l’anal, si elle peut avaler du sperme sans s’étouffer, bref, si elle peut tenir debout tout en restant immobile (si elle s’offre à si bon marché et se tient en vitrine, elle doit s’attendre à ce qu’un homme veuille plus que ce qui a été convenu !) Que dans de nombreux cas, elle doit : donner. Par exemple, un client rapporte dans un fil qu’une prostituée lui a dit qu’elle avait 3 propriétaires ( !), qu’elle devait être prête à servir les clients 24 heures sur 24, “faire tout sans” et qu’elle n’était pas autorisée à refuser des pratiques, et qu’en outre elle ne pouvait garder que 30 des 130 euros de salaire horaire. Commentaire sans empathie du client : “Eh bien, ça casse juste, on voit ça aussi. Mais 30 euros, c’est beaucoup d’argent en Roumanie”.


Je n’ai pas délibérément pas copié les liens des fils de discussion des forums pour éviter le trafic – n’hésitez pas à aller sur Google, le terme de recherche “forum client” [ de prostitution ] suffit.
Au sujet des autres femmes. Épouses et petites amiesMais les clients ne parlent pas seulement des prostituées de cette manière, mais aussi des autres femmes (“les Allemandes m’énervent, ces femmes libérées***”) et de leur partenaire (car oui, de très nombreux clients sont en couple – je suppose que plus de la moitié d’entre eux). Certains disent qu’ils ont (encore) des relations sexuelles agréables avec leur partenaire, mais qu’ils ont besoin de changement (ce sont les “connaisseurs” autoproclamés qui consomment le corps des femmes comme du bon vin, il faut le tester). Beaucoup d’entre eux n’ont plus de relations sexuelles avec leur partenaire et font ensuite remarquer que la femme “refuse” d’avoir des relations sexuelles avec eux, qu’elle est “prude” et que du coup “c’est de sa propre faute” ; s’il va voir une prostituée, c’est parce qu’il est “forcé” par elle. Certains m’ont dit que leur femme rejette “malheureusement” les pratiques proposées, ce qui les rend très tristes, mais qu’ils doivent bien les vivre quelque part. (Lorsqu’on leur pose la question, de telles perversions sont généralement mises en évidence, qu’on n’est plus surprise qu’ils soient rejetés par les femmes). Ce qui devient très clair, c’est que les hommes se déresponsabilisent d’abord (c’est la faute de la femme ! Plus de sexe ou simplement pas le bon sexe) et qu’ils pensent généralement qu’ils ont le droit de faire l’amour (et ils doivent le faire quelque part, mon Dieu, et si la vieille femme ne le leur donne pas…). Et souvent, ils n’ont même pas mauvaise conscience : une fois, j’ai été appelée pour une visite à domicile par un homme qui était assis sur le canapé avec une photo de famille XXL encadrée au-dessus de lui. Lorsqu’il a remarqué mon regard, il m’a dit avec joie que sa femme était à l’hôpital et venait de mettre au monde des jumeaux, qu’il était très fier et qu’il voulait fêter ça, et comme elle ne pouvait tout simplement pas ”en ce moment”, il m’avait commandée pour le faire. Certains clients m’ont également dit que quelque chose de terrible était arrivé à leur femme dans son enfance, c’est pourquoi maintenant elle n’aimait pas avoir des relations sexuelles (et surtout pas de sexe anal, de sexe oral avec déglutition, fisting, éclaboussures au visage, ah, tant pis ! Il est clair que ce n’est pas l’abus lui-même qui est problématisé (abus d’enfant, abus du client contre sa femme, abus du client contre la prostituée), mais que les clients se sentent même comme des héros, parce qu’ils épargnent leurs femmes tout en faisant valoir leur “droit”. Les abus sur les partenaires vont si loin qu’elles sont parfois impliquées dans des rapports sexuels avec des prostituées. Combien de fois ai-je entendu “ma partenaire est un peu bi, alors j’ai pensé lui faire une faveur et commander une prostituée, et puis nous le ferions à trois” et j’ai immédiatement refusé, parce que je savais exactement que la bonne femme ne sait rien de la un-peu-bisexualité qu’on lui impute et qu’il faudrait la pousser à faire quelque chose qu’elle ne veut pas faire. Qu’ils l'”épargnent” ou l'”incluent”, les hommes vendent même cela comme une “faveur” qu’ils font à leur femme – ce qui les amène à faire des offres aussi gentilles que : “Hé, je voudrais éjaculer dans ma femme et tu la lèches avant, pendant que je te baise sans capote, ca va ?” – Les hommes font preuve d’une telle confiance en eux lorsqu’il s’agit de prostitution parce qu’ils pensent que c’est quelque chose qu’ils MÉRITENT. Je me suis couchée dans pas mal de lits de mariage et j’ai assisté à pas mal d’appels surprises des partenaires (“oh, je dois répondre, n’est-ce pas – oui, chérie ? C’est bien, j’ai hâte d’être à ce soir aussi”) et j’ai toujours été surprise de voir comment les hommes routiniers, sans conscience et sûrs d’eux, déroulaient leur programme envers leurs partenaires – pourquoi ? Si vous faites quelque chose que vous pensez être bon pour vous, vous n’avez pas à cacher votre mauvaise conscience, car vous n’en avez tout simplement pas ! La seule raison pour laquelle le tout ne doit pas être révélé est qu’il serait désagréable que la partenaire se mette en colère.


Dans un fil de discussion particulièrement dégoûtant d’un forum de clients, on peut même lire qu’un mari a pris l’habitude de se servir du gode de sa femme avec des prostituées commandées à domicile et de le remettre à sa place sans le laver – sa façon très personnelle de se venger de sa femme qui, à ses yeux, lui doit du sexe auquel il ne veut tout simplement pas renoncer. Je ne veux même pas parler de tous ces gars qui pratiquent ”tout sans” (ao) et qui rentrent ensuite chez eux et poursuivent leur chemin. Bien que pour le client les deux, prostituées et épouses, soient là pour leur offrir du sexe, les clients font très bien la différence entre les deux. On m’a donc dit et répété : “tu es trop bonne pour le bordel, tu n’as pas ta place ici”, ce qui implique qu’il y a des femmes qui ne sont pas assez bonnes (pour être une épouse ?) et qui ont leur place dans le bordel. Leur mépris pour les femmes, cependant, touche à la fois la partenaire et la putain. Il touche toutes les femmes.
Comment voulez-vous résumer ça ? – Les clients sont des hommes qui ont un regard sur les femmes qui les transforment en animaux de ferme. Vous pouvez le voir assez bien dans des phrases comme : “Je ne suis pas obligé d’acheter la vache entière si je veux un peu de lait”. Les clients comparent aussi volontiers les prostituées à la nourriture / aux biens de consommation : “À la maison, il y a toujours de la soupe aux pois, je veux juste des fois du rôti de porc” ou “C’est très bien de toujours conduire une Opel, mais de temps en temps, on s’autorise aussi à avoir quelque chose de plus spécial”.


Le gentil clientOn me demande sans cesse s’il n’y a pas eu aussi de bons clients, et je peux seulement dire que oui, il y en a eu. Mais ce qui importe, ce n’est pas de savoir si quelqu’un est gentil, mais ce qu’il fait. J’en avais un qui voulait tout le temps me tenir la main et m’emmener dîner après. Je détestais ces rencontres parce qu’elles duraient si longtemps, même au lit. C’était un de ces clients “gentils”, et ils veulent généralement du sexe ”girlfriend”, c’est-à-dire qu’ils veulent de la proximité, de l’intimité, des câlins, des baisers, tout ça, et c’est épuisant parce que ça dépasse les limites personnelles, parce qu’il faut interagir encore plus, et ça ruine complètement l’intimité, précisément parce qu’elle est entièrement exigée. Vous ne pouvez plus rien garder pour vous en imitant ces gestes de tendresse (ils ne sont pas réels) et en les vendant, s’ils ne vous appartiennent plus, ils deviennent partie intégrante du répertoire de l’artiste et donc dénués de sens, séparés du moi. Dans un avenir libre, ils doivent d’abord être récupérés et réappris. Outre le sentiment d’être abusée, en extériorisant ces gestes intimes, il y a aussi le sentiment d’être impliquée dans l’abus, d’abuser de soi-même, puisqu’il ne reste aucun “noyau dur”, qui serait protégé du client. C’est comme une livraison totale. – Ce client voulait en tout cas que je fasse semblant d’être son amante – il faisait partie de ces “bons vivants” qui ne pouvaient pas s’entendre avec une seule femme et il me plaignait régulièrement à cause des autres clients avec lesquels j’étais obligée de travailler. L’idée qu’il appartenait lui-même à ces clients désagréables ne lui est jamais venue à l’esprit : Les clients ne se considèrent pas comme des clients, ce sont toujours les autres qui sont mauvais. (Sauf avec les sadiques : ils aiment qu’on se souvienne d’eux comme “les pires”) Il m’a offert beaucoup d’argent, pour que je “n’aie plus à le faire”, mais avec les clients, rien n’est gratuit, les clients n’aident pas comme ça, non, une prostituée est un bien public, et chacun veut en tirer quelque chose, et au mieux les clients ”aidants” pour se garder leur propre petite pute privée. Je devrais donc le rencontrer, mais seulement lui, et sans argent. Il voulait m'”acheter”, pour ainsi dire.


Parce que les hommes pensent tellement qu’ils ont le droit d’avoir des relations sexuelles au plus profond d’eux-mêmes, qu’ils ne voient pas pourquoi ils devraient payer pour cela. Si vous êtes une bonne actrice, vous en avez évidemment tiré “quelque chose” et vous n’avez pas vraiment besoin d’être payée ( = réussissant à créer une trop bonne illusion), si vous êtes une mauvaise actrice, vous n’avez pas “rendu le service” et vous n’avez pas vraiment besoin d’être payée. Vous ne pouvez pas gagner !
Le point de vue des clients par rapport aux prostituées est dichotomique : d’un côté, ils veulent une machine qui traite tout le monde sur un pied d’égalité (“elle doit faire ce qu’elle offre, peu importe qui vient”, un rejet de leur personne n’étant pas prévu), de l’autre, ils veulent représenter quelque chose de spécial. Soit parce qu’ils sont si remarquablement bons au lit, soit s’ils sont sadiques, parce qu’ils savent particulièrement bien anéantir la prostituée. Ce qu’ils ne veulent jamais être : un comme un autre, numéro 8 ou 9 sur la liste quotidienne. Non, on doit les garder en mémoire, c’est une question d’ego.
Pourquoi les hommes vont voir les prostituéesPlusieurs études tentent de répondre à la question de savoir pourquoi les hommes vont voir les prostituées. Malheureusement, les scientifiques allemands, en particulier, oublient que les clients interrogés leur répondent comme la société l’attend (“romantiques”, “aiment essayer”, “ne peuvent plus avoir de relations sexuelles à la maison”) et brossent ainsi un tableau plutôt flatteur du client qui ne correspond pas à la réalité. (Dans les forums de clients , ils auraient eu des connaissances plus approfondies !) Exemples de telles “études”, par exemple dans la Süddeutsche ou le Tagesspiegel.


Alors pourquoi les hommes font-ils cela ? Certains sont simplement des sadiques qui détestent les femmes et qui voudraient “leur donner une leçon de baise hardcore/haine”. Certains sont de pauvres petites saucisses qui doivent prouver leur virilité à une prostituée, d’autres sont des “romantiques” qui veulent établir une sorte de lien, une relation, une romance. Ils ont tous quelque chose en commun : ils pensent avoir le droit d’avoir des relations sexuelles, ils ont un certain mépris pour les femmes et ils sont orientés par une image de la masculinité qui dégouline de la masculinité toxique. Mais surtout : tous savent ou pourraient savoir que ces femmes ne se couchent pas sous eux volontairement et de leur plein gré. Mais ça leur est tout simplement complètement EGAL.


C’est commandé comme sur un menu : un ”français total” s’il vous plaît, avec l’anal après, puis un corps adéquat est choisi dans lequel le menu est consommé. L’aspect de la sélection du corps est d’ailleurs la preuve que le sexe n’est pas un service : car ce n’est pas sans importance, qui le fournit, parce qu’il ne s’agit pas seulement de sexe, il s’agit d’UTILISER une femme.
Parce que : même les romantiques ne recherchent pas un réel rapprochement. Ils ont devant eux l’image d’une femme, l’image d’une relation avec cette femme, et ils paient pour que cela se réalise, quelle que soit la réalité. Et ils ressemblent aux sadiques qui utilisent la femme de la même manière, et qui ne se soucient pas de sa véritable volonté. La prostitution ne fonctionne pas sans contrainte, il n’y aura jamais assez de femmes qui se prostituent “volontairement”, une bonne partie devra toujours être contrainte. Les clients ne peuvent souvent pas savoir s’ils ont une prostituée forcée devant eux, et ils s’en moquent tout simplement. La coercition ne les dérange pas, elle ne les dérange que lorsqu’ils doivent la voir, car alors elle détruit leur image. Ils la trouvent excitante (comme les sadiques), n’y vont plus (parce qu’ils ne peuvent pas avoir l’illusion pour laquelle ils paient) ou la minimisent (trouvé l’autre jour dans un forum client: “qu’est-ce que la contrainte, je dois me lever chaque matin et manger quelque chose, c’est aussi une contrainte”). Les prostituées ne sont pas des êtres humains pour les clients, et si elles disent qu’elles souffrent, “soyez patientes”. De préférence ils aimeraient en avoir une avec laquelle ils peuvent tout faire et qui sourit encore : une poupée. 66% des clients savent que beaucoup de femmes sont forcées par des proxénètes, mais ils s’en moquent tout simplement. 41% y vont quand même, en sachant pertinemment qu’elles sont victimes de proxénètes.


Du client au coupable

Ça correspond aussi à mon expérience. Quand j’étais encore dans l’appartement du bordel, il était clair pour beaucoup de clients qu’il y avait quelqu’un dans la pièce d’à côté, et quand j’étais dans l’escorte, beaucoup étaient surpris que je n’aie pas de “patron” ou de proxénète, tellement ils y étaient habitués.
Il y a des clients qui ont parfaitement vu mon dégoût, mais qui n’y ont prêté aucune attention (“arrête de te détourner quand je veux t’embrasser”, “j’ai trop l’impression que tu ne veux plus voir de bites”), puis il y a ceux qui étaient excités par mon dégoût et puis il y a ceux qui ont été écoeurés par mon dégoût et qui ne sont pas revenus. C’est une question de contrôle, de contrôle sur les femmes. Certains se mettent en colère si la performance n’est pas bonne, d’autres sont heureux lorsque le masque de la maîtrise de soi des prostituées tombe de côté et leur tapent dessus en plus. La violence qui est payée n’est qu’une partie, l’autre est la violence qui n’est pas identifiée : Viol, torture, violence physique, meurtre.
Il s’agit donc d’avoir une femme sous contrôle, de lui laisser faire tout ce qu’on désire, ce que vous voulez qu’elle fasse, d’être ce que vous souhaitez qu’elle soit. Et c’est là le cœur de la prostitution : tout est centré sur les besoins de l’homme, le sexe est toujours disponible, il n’a rien de plus à faire pour lui, il a le libre choix du corps des femmes, le principe du rejet n’est pas prévu. Certes, les clients aiment entendre qu’une prostituée “rejette définitivement des clients aussi” car cela leur donne le sentiment d’appartenir à un cercle élitiste. Mais ils ne peuvent pas s’imaginer être ce client rejeté. Chaque fois que je refusais des clients, c’était un grand non-non, une chose à laquelle ils n’avaient pas pensé auparavant et à laquelle ils réagissaient de manière si allergique, comme si je leur devais quelque chose, comme si j’étais des toilettes publiques auxquelles eux seuls n’avaient pas accès, comme si j’avais enfreint les règles.
Quiconque pense aujourd’hui que je parle d’une minorité, d’un tout petit nombre d’hommes malades, se trompe. Selon les statistiques qu’on évoque, en Allemagne, soit un homme sur cinq va voir les prostituées, soit trois hommes sur quatre. On peut calculer que chaque jour ( !) un à 1,2 million d’hommes se rendent dans les maisons closes allemandes. Ne sont pas inclus les hommes qui regardent la prostitution filmée  ( = pornographie). Parce qu’ils sont bien des clients quelque part.


Melissa Farley a découvert dans une étude que les clients sont beaucoup plus susceptibles de commettre un viol que les non-clients. Premièrement, on peut en conclure que la prostitution a un effet d’apprentissage sur les hommes, à savoir que la violence contre les femmes est acceptable dans certaines circonstances. Non seulement un nombre particulièrement important de femmes qui ont déjà été victimes d’abus se retrouvent dans la prostitution, mais elles y subissent également d’autres violences, et les clients emportent avec eux des inhibitions réduites concernant la violence sexualisée contre les femmes lors de leurs visites aux prostituées. Et cela signifie :
La prostitution est la conséquence de la violence à l’égard des femmes, est elle-même une violence à l’égard des femmes et est la cause de la violence à l’égard des femmes.
La prostitution concerne toutes les femmesC’est pourquoi la prostitution concerne TOUTES les femmes. Si une femme peut être achetée, alors toutes le sont : combien de fois ai-je entendu des clients dire qu’ils préfèrent me payer plutôt que “n’importe qui, c’est cher, des fleurs, un restaurant et ainsi de suite, au bout du compte, vous ne pouvez même pas arriver à vos fins”. En outre, les clients rejouent souvent des scènes de pornographie violente dans un bordel, c’est-à-dire qu’ils passent du statut de voyeurs de la violence sexuelle à celui d’auteurs directs, puis définissent ces pratiques comme normales, réalisables et exerçables sans conséquences et les proposent à leurs partenaires ou les leur demandent. La prostitution ne se situe pas en dehors de cette société, elle est produite par elle et est également nécessaire pour cimenter le modèle traditionnel encore et toujours : Homme actif et agressif, femme passive et soumise. Elle est financièrement dépendante de lui alors tant qu’il peut disposer d’elle sexuellement, ses besoins ne sont pas une priorité. Ce n’est pas un hasard si les partisans de la dépénalisation complète de la prostitution continuent de dire que c’est toujours mieux que le mariage, car le mariage et la prostitution reposent exactement sur le même principe de base. Il est tellement dommage que nous vivions dans une société qui ne peut pas imaginer une sexualité dans laquelle aucune compensation n’est versée aux femmes simplement parce qu’il n’y a pas de DOMMAGES.
Au contraire, nous vivons dans une société qui croit que les hommes ont droit au sexe en toutes circonstances, même si cela signifie qu’une femme est forcée d’en avoir. C’est dommage, mais malheureusement c’est comme ça, n’est-ce pas ? Le monde est tout simplement mauvais.
Il devient évident que les besoins des hommes sont apparemment plus importants que l’intégrité physique et mentale des femmes, sans parler de leur choix personnel sexuel.


Parce que la prostitution est le contraire d’un choix personnel sexuel. Et les clients le savent, et cela les excite, ou ils ne le savent pas, mais ils peuvent le savoir, ou ils l’évincent. En bref : voulons-nous vivre dans une société où les hommes aiment que les femmes répriment leur dégoût et où ils ne se soucient pas du meilleur ?
Les clients ne voient pas les prostituées comme des femmes, ils ne voient que l’objet, le corps, voire l’accessoire décoratif (l’associée). Ils ne peuvent vraiment pas savoir comment elle va, pourquoi elle se prostitue, ce qu’elle pense vraiment, quel genre de vie elle a eu jusqu’à présent, si elle veut être ici ou non.


Ils sont tout simplement profondément indifférents. La femme, ses droits, sa volonté et ses sentiments leur sont indifférents, et c’est ce que tous les clients ont en commun, vraiment tous : l’indifférence.
Les clients paient pour l’absence de dignité, d’ego et de volonté d’une femme, et la question est de savoir pourquoi nous avons réellement besoin d’une institution qui typiquement le leur permet.

(c) Huschke Mau

Corona et Prostitution

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En tant qu’ex-prostituée, je voudrais dire quelque chose d’urgent aujourd’hui. Parce que d’autres femmes en situation de prostitution ne peuvent pas le faire en ce moment. Parce qu’elles ont affaire à autre chose… avec la survie.

Le #Coronavirus est actuellement fermement sous le contrôle de notre vie sociale, et je salue toutes les mesures prises par le gouvernement et les pays qui ont été prises (bien que très tard), et j’espère que vous êtes tout.es magnifiquement raisonnables et isolez- mêmes en ce qui concerne les personnes âgées, personnes atteintes d’une déficience immunitaire, cancer, autres pré-maladies, etc. à ne pas mettre en danger. Nous devons maintenant être solidaires, surtout avec les personnes les plus vulnérables. Et c’est exactement ce dont je veux parler maintenant. Parce que les femmes dans la prostitution, et je suis l’une d’entre elles, sont aussi un groupe vulnérable, et la question est ce que les mesures peuvent désormais être considérées comme solidaires à l’égard de ce groupe. La ville de Stuttgart vient d’interdire la prostitution à cause du coronavirus, et avant d’encourager cela : il faut dire que c’est un désastre.

J ‘explique pourquoi :

Le paysage de la prostitution à Stuttgart, comme presque partout, se compose de 80 à 90 % de femmes forcées et de prostituées dans la pauvreté provenant du sud-est de l’Europe. Ces femmes ont souvent :

– Aucune assurance maladie, ou juste insuffisante.
– Bien sûr pas de statut d’employé et avec le droit de continuer à payer (loyer)
– Souvent même pas juste aucun droit.
(Elle est belle l’Allemagne que tu vends Emma Becker)

Ces femmes, et aussi la grande majorité des femmes allemandes en situation de prostitution, le font par contrainte et pauvreté. S ‘ils n’achètent pas aujourd’hui, ils n’auront pas d’argent demain, rien à manger – et rien pour vivre.

Ce qui va se passer à Stuttgart maintenant, c’est que ces femmes ne peuvent plus se permettre de se vendre, soit qu’elles ne sont pas autorisées de le faire à cause de leurs macs de toute façon. Donc elles vont se vendre secrètement, parce qu’elles n’ont pas d’autre choix. Et c’est le point crucial du crack. Elles devront continuer à le faire et elles seront punis si elles se font prendre. Les amendes qu’elles collecteront devront être payé avec une prostitution supplémentaire, puisqu’elles n’ont pas d’autre possibilité.

Juste au fait : les locations pour leurs chambres se poursuivent probablement. Cela veut dire : avec les amendes et les locations de chambre, ces femmes seront encore plus endettées à la fin de la crise du Corona qu’elles ne le sont maintenant, et cela signifie qu’elles tomberont très bas. Et : elles seront face à un risque accru pour leur santé pendant cette période de marchandisation secrète forcée. Parce que l’argent, elles doivent l’obtenir. Pour la nourriture, la vie, les macs et les enfants en Roumanie. Et ça veut dire : puisqu’il y a beaucoup moins de clients qui arrivent de toute façon, ils ont plus de pouvoir et peuvent exiger le sexe sans préservatif plutôt.

Continuer la lecture de « Corona et Prostitution »

Huschke Mau, du Réseau ELLA, commente une intervention d’Amnesty contre des survivantes de la prostitution

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L’événement tenu au Leipziger Museum der Bildenden Künste, auquel nous, du Réseau Ella, sommes venues parler de prostitution, a fait l’objet d’une manifestation de protestation avant notre arrivée. Parce qu’il est apparemment IMPOSSIBLE et INSUPPORTABLE que des femmes prostituées parlent de la prostitution. Inacceptable, en effet ! L’un des groupes parmi les manifestants réunis par la Berufsverband erotische und sexuelle Dienstleistleistungen (Association professionnelle des services érotiques et sexuels, etc.) était AMNESTY ! Amnesty ne veut apparemment pas de prise de parole par les personnes réellement affectées par cet enjeu.

Cela n’est pas surprenant, car Amnesty nous a sacrifiées depuis plusieurs années, nous les femmes qui sommes dans la prostitution, quand ils ont exigé une dépénalisation complète du « travail du sexe » et ont EXPLICITEMENT INCLUS DANS CETTE CATÉGORIE LES ACHETEURS, LES TRAFIQUANTS ET LES PROXÉNÈTES. Leur justification était que tout être humain est censé avoir droit à du sexe et que ce serait un acte de DISCRIMINATION que d’interdire aux hommes d’en acheter. Ce qui est clair pour nous, c’est qu’il existe un droit à la sexualité de chacun-e, mais qu’il n’existe aucun droit à ce que quelqu’un d’autre soit mis à disposition pour cela.

De plus : Quiconque soutient l’impunité des acheteurs, des proxénètes et des trafiquants n’est pas AVEC nous, prostituées, mais CONTRE NOUS. Nous avons également une vision critique des propos exprimés par des spectateurs aujourd’hui. Une femme se disant « chercheuse » nous a catégorisées comme étant « beaucoup trop émotives ». Son message implicite était, « Vous n’êtes que des perdantes, des victimes mentales, qui ne pouvez que pleurer et renifler, alors que moi, en bien moi, je peux réfléchir. » Or, surprise !, nous pouvons réfléchir nous aussi. (Et certaines d’entre nous, en passant, sont également des chercheuses.) Accuser les femmes d’être « trop émotives » est le cliché le plus rebattu du patriarcat. Vous vous plaignez que nous « jouons les victimes ici », mais c’est vous qui nous réduisez à notre statut de victime, c’est vous qui dites que nous ne sommes que des putes, incapables de réflexion ou d’analyse politique. Par contre, ce mépris infini à l’égard des femmes ne nous surprend pas du tout.

Et puis, enfin, se faire dire que nous sommes racistes, parce que nous attirons votre attention sur les CONDITIONS CONCRÈTES dans lesquelles les femmes des pays européens les plus pauvres doivent être prostituées ici !… Ces CONDITIONS CONCRÈTES sont racistes et nous les dénonçons, alors que de votre part, pas une syllabe à ce sujet. C’est seulement le fait que nous formulons ces critiques À VOIX HAUTE qui vous embête. Ce qui se passe ici en Allemagne est la pire forme de colonialisme. Des femmes du sud-est de l’Europe doivent sucer des bites d’hommes allemands pour survivre, et PAS UNE PAROLE de votre part à ce sujet. Mais énoncer clairement ce fait est raciste ? Je ne sais pas ce que vous sniffez, mais je vous suggère d’arrêter.

Vous ne nous surprenez pas. Mais nous sommes surprises que vous vous appeliez encore une organisation de défense des droits de la personne. Soyez honnêtes et qualifiez-vous d’ORGANISATION DE PROSTITUEURS ET DE MACS.

Celles dont vous avez protesté contre la présence ici étaient des prostituées parlant de la prostitution.

Pour nous, Amnesty a perdu toute crédibilité.

Amnesty, va te faire foutre!

Huschke MAU, du Réseau ELLA

Pourquoi la prostitution est-elle une violence ? Une réflexion sur la journée internationale des putes d’aujourd’hui.

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Nous, femmes prostituées, sommes exposées à une violence considérable. Toutes les femmes le sont, mais nous sommes un groupe spécialement ciblé. Aujourd’hui, je ne veux pas parler de la violence produite, des plus de 80 meurtres de femmes prostituées en Allemagne depuis 2002, de tous les viols, attaques, menaces innombrables et invisibles.

Mais je veux parler ici de la raison pour laquelle la prostitution est en soi une violence.

La prostitution est une violence parce que le OUI donné par les femmes prostituées à l’acte sexuel ne concerne pas du tout l’acte sexuel. Cela ne concerne que l’argent. C’est un “oui” à l’argent dont nous avons besoin, cela reste un “non” au sexe. Le sexe lui-même n’est pas recherché. Nous le prenons en compte dans l”’achat” – ce qui signifie “accepter un marché”. Vous achetez quelque chose, je ne le veux pas, mais je dois l’accepter.

Nous parlons de consentement en Allemagne depuis des années. Le sexe a besoin en cela d’un OUI ! enthousiaste des deux côtés. Ainsi parce qu’un “je n’aime pas vraiment ça, mais arrête”, un “oui” par peur, un “oui” extorqué, un “je le tolère” ou un état dans lequel on ne peut dire ni non ni oui (par exemple l’évanouissement, l’intoxication, l’ivresse) ne suffisent pas pour pouvoir parler d’un consentement donné. Le «devoir conjugal» sexuel, auparavant inscrit dans la loi et assorti du fait que l’épouse devait taire à l’homme que c’était seulement subi, a été supprimé de la loi. Nous croyons qu’aucune femme ne doit subir de rapports sexuels dont elle ne veut pas.

Pourquoi cela devrait-il être différent simplement parce qu’un billet de banque change de main?

Trouvons-nous qu’il est tolérable que les femmes subissent des rapports sexuels dont elles ne veulent pas, oui ou non? Là est la question.

Vient encore et encore “l’argument”, la prostitution n’est qu’un travail sexuel et, comme pour tout travail, il arrive parfois que vous ne l’aimiez pas. Le travail en soi est déjà contraignant. Je conviens que le travail est obligatoire dans les conditions capitalistes, mais qu’est-ce que cela signifie pour la prostitution, c’est-à-dire pour le “travail du sexe” ? C’est juste du sexe sous la contrainte. Et ensuite, nous devrions trouver cela acceptable simplement parce que d’autres personnes sont contraintes, dans des conditions capitalistes, de faire d’autres choses, comme effectuer un travail qu’elles refusent en réalité ? Ce n’est pas un argument de dire, le sexe sous la contrainte est acceptable, car d’autres sont forcés à travailler sur la machine à coudre ou sur la chaîne de production. Un mal ne compense pas l’autre. C’est une pure manœuvre de diversion. Par ailleurs, il est facile de montrer que la prostitution n’est pas un “travail sexuel” : parce que le travail forcé est un travail forcé, que le sexe sous contrainte ne peut jamais être un travail forcé, il s’agit toujours d’abus sexuel, de contrainte sexuelle, de viol.

“Oui, mais si elle le fait volontairement!” vient alors évidemment. Mais qu’en est-il de la pertinence de la question de savoir si la prostitution en elle-même est une violence, si la femme s’expose “volontairement” à cette situation? Soit la prostitution est de la violence ou ce n’est pas de la violence. Si nous considérons cela comme une violence, peu importe que la femme subisse “volontairement” la violence. Cela ne change pas notre définition de la violence, tout comme cela ne changerait pas notre définition de la violence conjugale lorsque nous voyons une femme rester «volontairement» avec son partenaire la battant. Cela ne marche pas. Le “caractère volontaire” est un argument de paille, car pour définir la violence, le critère ne repose pas sur l’avis individuel de la personne concernée, mais sur une définition objective. À savoir, si nous prenions juste en compte le sentiment de la personne en question, nous aurions un gros problème, par exemple: Dénoncer la maltraitance des enfants (qui peut aussi être “douce”, sans recours à la force) ou la violence conjugale, que certaines femmes perçoivent comme normale en raison de leur socialisation, ou le viol, qui est parfois reconnu plus tard comme un viol (par exemple, il y a seulement quelques années Je me suis rendu compte que mes partenaires m’avaient aussi violée, parce que dans ma vie quotidienne j’étais une personne inconsciente ou craintive, intimidée ou autrement insensible pour moi, donc je n’ai même pas remarqué le caractère violent de la violence). La réalité de la violence, alors, ne réside pas dans le sentiment de la personne concernée, mais est objectivement définie.

Mais supposons que la prostitution ne soit pas une violence. Supposons qu’elle soit OK, qu’on puisse y faire du volontariat et qu’il puisse y avoir une distinction claire entre prostitution volontaire et forcée, et que seule une prostitution forcée serait une mauvaise chose. Ensuite, nous devons encore nous demander ce qu’il en est des clients. Car clairement, un client ne peut pas savoir exactement si la femme avec qui il couche le fait volontairement ou non. Il ne peut pas le savoir car il lui donne de l’argent pour avoir dit oui. Et elle a besoin de cet argent. Donc, vous devez dire qu’il a des relations sexuelles avec une personne dont il ne peut pas vraiment savoir si elle le veut. Il ne peut pas exclure qu’il commette un viol, car un acte sexuel effectué avec une personne qui ne veut pas est un viol, et il est de la responsabilité de chaque personne lors d’un acte sexuel, d’exclure qu’elle est impliquée dans un viol. Mais il le prend en compte. C’est un homme qui ne sait pas exactement s’il est en train de commettre un viol et qui effectue malgré tout l’acte sexuel parce qu’il estime que sa satisfaction est plus importante que le consentement de l’autre personne. En tout cas, c’est une négligence grave. Voulons-nous quelque chose comme ça ? Voulons-nous qu’il y ait du sexe, où l’homme ne peut pas ensuite dire précisément si c’était voulu par l’autre partie ? N’est-ce pas un peu court ? Est-ce un modèle ? Et pourquoi disons-nous que ça va, parce que de l’argent y coule à flots – là où ce ne serait pas OK dans tous les autres domaines?

Être client, c’est faire preuve de violence. Non seulement envers la femme avec laquelle vous êtes au lit, mais également envers d’autres femmes. Parce que la plupart des femmes prostituées devront toujours être forcées, il n’y a pas beaucoup de “volontaires”, et tout client fait de la prostitution une activité rentable pour des tiers, rend lucrative l’activité des souteneurs, des opérateurs, des trafiquants et qui, en tant que client payeur, fait dire aux autres: “Regardez, il paye, il s’agit d’une demande, alors proposons des femmes comme offre pour y répondre.” Il n’y a pas de prostitution sans prostitution forcée ou traite humaine, et même si une femme y participait «volontairement», la clientèle fait en sorte que la prostitution soit rentable pour les personnes qui obligent les autres à la pratiquer.

Et est-ce que chacun pense vraiment, qu’on pourrait oublier qu’un client qui, au moment où il pénètre une femme ne sache pas si elle le voulait, ou qu’il pouvait voir qu’elle ne voulait PAS, et qu’il l’a quand même fait ? Pourquoi cette règle apprise ne serait pas également valable pour les autres femmes ? Pourquoi ne pas l’appliquer à d’autres femmes ?

Oui. La prostitution est une violence. Et la stigmatisation fait en sorte que nous n’en parlons pas. Parce que nous devrions avoir honte.

Mais ce n’est pas la stigmatisation qui nous tue, ce sont les clients, c’est la prostitution.

La prostitution tue. Elle tue tous les droits égaux, elle tue tout le respect, elle tue le concept de consentement, elle tue le sexe que l’on veut et trouve bon, et elle nous tue.

La prostitution tue.

Pouvez-vous vivre avec ça?

Nous, femmes prostituées, ne le pouvons pas, littéralement.

80 femmes mortes en Allemagne depuis 2002.

J’ai failli être l’une de ces personnes à quelques reprises, soit de ma propre main, soit de celle de quelqu’un d’autre. Et je n’oublie pas cela, car parfois ça ne me va pas du tout de devoir survivre et survivre chaque jour qui suit.

Huschke Mau, juin 2019

Le t-shirt est disponible à l’association Alarme contre Sexkauf à Gießen.
Plus de textes peuvent être trouvés sur mon site web https://huschkemau.de

Traduction de I.July »
Collectif Abolition PornoProstitution – CAPP

Visite guidée d’un bordel à Francfort : LE DISCOURS RIPOLINE DES PROXENETES

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Par Huschke Mau

Marcher en simple passante dans ce quartier autour de la gare centrale de Francfort et ses nombreux bordels me donne le sentiment étrange de ne pas être à ma place. En regardant les rangées de femmes postées dans les couloirs du bordel, mon réflexe est de monter dans une chambre. Là au moins, je sas ce que je dois faire, je connais les procédures, le programme, ce que je dois dire, mais là, je suis en visite dans ce bordel, je ne suis plus que spectatrice de la prostitution. Sensation bizarre. Etre ici, pour moi c‘est comme de revenir vers un ex-petit ami qui vous battait : tout est familier mais tout est moche. C’est ce que je ressens parce que j’ai accepté de participer à une visite guidée du bordel Laufhaus, au 26 rue Taunus, et que je me retrouve dans une de ses chambres. Dans ce bordel, les clients déambulent le long des couloirs et achètent des femmes qu’ils choisissent après avoir examiné toutes celles qui se tiennent sur des tabourets de bar dans les couloirs.

Les souvenirs de ma vie de prostituée me reviennent en masse et m’écrasent. Les petites chambres. Les murs colorés. Les lumières tamisées. Les volets fermés. C’est bondé, il fait chaud, c’est sombre. Je sais exactement à quel point ce décor paraîtrait encore plus sordide en pleine lumière. Respirer calmement ! Je ne suis plus prostituée, je suis juste une visiteuse, je suis là pour écouter.

Je suis dans cette chambre de bordel avec plusieurs femmes. Nous sommes serrées. La femme qui sert de guide nous présente les femmes qui sont là. Les visiteuses –sauf moi—n’ont probablement rien à voir avec la prostitution et ne savent pas grand’chose sur ce que c’est vraiment.est devant la seule fenêtre de la pièce, qui est juste un peu entr’ouverte. Dieu merci pour ce petit peu d’air frais ! Si je devais respirer cet air de bordel—fumée de cigarettes, sueur, sperme et latex—j’aurais une crise de nerfs. D. a l’air épuisée, malgré les lumières tamisées. Elle fait plus vieux que ses 45 ans. Elle est habillée en vêtements de sport et casquette de base-ball. Peut-être que c’est la fin de sa journée de travail. On nous a promis « une conversation de femme à femme sur la prostitution ».

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D. est une dominatrice mais avant de le devenir, elle était esthéticienne. Elle a débuté dans la prostitution il y a 10 ans. « C’est une amie qui m’y a fait entrer, les femmes entrent dans la prostitution par les femmes » nous dit la guide (mais les statistiques données par la police disent que 80 à 90% des bordels allemands sont contrôlés par des proxénètes). Je demande à D. combien elle paie par jour pour louer une chambre : 100 Euros (125 $). Et combien elle prend pour une passe ? Le premier prix est 50 Euros. Je regarde autour de la pièce, et je vois des colliers d’étranglement, des dispositifs pour attacher les clients qui veulent être punis, des vêtements de femme (s’ils veulent mettre des costumes, ça coûte plus cher). Je me souviens que je trouvais la domination bien plus fatigante que les autres formes de prostitution. Je détestais être louée pour dominer un client. La « prostitution normale », ça veut dire que vous pouvez vous dissocier, que vous n’avez pas à participer activement, que vous pouvez vérifier vos ongles, penser à autre chose, tandis qu’être une dominatrice signifie que vous devez vous concentrer à 100% sur le client, rentrer dans sa tête, deviner ce qu’il veut et vous forcer à faire ce que vous n’avez pas envie de faire : satisfaire les dégoûtants fantasmes sexuels d’un homme. Mais je ne dis rien.

D. parle en phrases courtes. De temps en temps, elle est interrompue par Juanita Henning (fondatrice de l’association « Dona Carmen » qui défend les « travailleuses du sexe » et le droit des femmes à se prostituer), qui finit ses phrases à sa place ou corrige ce qu’elle dit. Mais ce n’est pas facile de corriger un discours de 15 minutes bourré de contradictions.

« Vous devez être un certain type de personne pour être dominatrice » dit D., qui se contredit quelques minutes plus tard : « je ne suis pas dominatrice par choix, cela m’est égal ce que je fais ici, cela ne m’affecte pas ». Mais qu’est-ce qu’elle apporte aux clients ? « Il ne se passe rien de spécial ici. Je n’ai pas à me déshabiller, et personne ne me touche. Il n’y a pas d’actes sexuels. De temps à autre, un homme se masturbe, c’est tout ».

« Vraiment pas grand’chose, je les attache un peu, je les humilie un peu verbalement. Rien de spécial vraiment. Parfois je les frappe un peu, très légèrement. Ce n’est que du fantasme, rien de plus, pas de sexe, rien de réel. » Elle donne l’impression que les clients viennent ici juste pour lui donner 50 Euros puis disparaissent aussitôt, peut-être quand elle les traite de « sales porcs ». Une femme demande si elle ressent jamais du dégoût. « Non, pourquoi je devrais ressentir du dégoût ? Il ne se passe rien ici. Et ça n’a rien à voir avec moi, rien du tout ».

« Il ne se passe rien et je ne ressens rien ». Je me demande quel est le rapport entre cette minimisation obsessionnelle, cette dédramatisation, ce déni–et la dissociation.  Je ressens de la pitié pour D. qui est payée par le proxénète et la guide de la visite organisée pour parler avec nous et nous répondre aujourd’hui. Quand j’étais prostituée, j’aurais fait comme elle, j’aurais préféré être payée par le proxénète pour commenter la visite-ça m’aurait fait un client de moins à supporter. Et honnêtement, qu’est ce qu’elle pouvait dire d’autre à une quinzaine de femmes de la classe moyenne ?  Moi non plus, je n‘aurais pas dit : « Non, ça me fait vomir, et je trouve ces hommes répugnants » dans cette situation.

Henning, qui guide la visite, coupe rapidement les questions importunes : « si les clients vous dégoûtent ?  C’est quoi cette question ? Il n’y a qu’aux travailleuses du sexe qu’on la pose ». D. ajoute : « imaginez que vous soyez infirmière, c’est pareil ». Une visiteuse commente : « mais les infirmières ressentent parfois du dégoût» ! La guide rétorque : « Mais on ne peut pas comparer ces deux choses, n’est-ce pas ! ». La visiteuse : « donc vous n’êtes pas dégoûtée ? » D. : « non, jamais ». La guide Henning : « le dégoût est une forme d’attraction. Ressentir du dégoût signifie que vous trouvez quelqu’un attirant ».

Maintenant j’ai la tête qui tourne. Est-ce que c’est parce qu’il fait si chaud dans cette pièce ou parce que la situation est tellement absurde ? La pièce est remplie de femmes de la classe moyenne et D. leur dit qu’il ne se passe rien ici. Mais alors, les clients payent pour quoi ? Et qu’est ce qu’elle fait dans cette pièce puisqu’il ne s’y passe rien ? Et maintenant le dégoût, ça serait de l’attraction. Ma tête tourne de plus en plus. C’est tellement grotesque que j’ai l’impression d’halluciner.

Une des visiteuses demande si les clients franchissent ses limites. « Non, répond D., je garde toujours le contrôle. Pas de violence, jamais. « Je ne veux pas qu’on parle de violence ici », interrompt la guide, « la violence n’a rien à voir avec la prostitution, ce n’est pas ça, la prostitution ! » « Exact, c’est moi qui décide de ce qui se passe ici », reprend D. Mais moi je sais que ce n’est pas vrai—elle est là pour satisfaire les exigences des clients. Et elle veut nous faire croire que ces exigences, ça débouche sur « rien ne se passe ici ». Qui peut croire ça ?

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« Combien de clients a-t-elle par jour ? ». Ca dépend, dit D. « Un, parfois deux ». « Mais alors, comment pouvez-vous payer le loyer de votre chambre ? » demande une visiteuse. « Parfois, c’est trois ou quatre », réplique D.

« Et qu’est ce qui se passe ensuite », interroge une autre femme? « D’abord je fais entrer le client dans ma chambre Ensuite je le fais asseoir sur le lit, et quand il dit « non », je dis « oui » dit D. en riant. Et puis la transaction financière a lieu, et ensuite la meilleure chose à faire est de lui mettre un baillon sur la bouche afin qu’il ne me parle pas ». Son rire est amer. Plus je l’entends parler, plus je ressens de la pitié pour elle. Evidemment, elle n’est pas autorisée à parler de ce qui se passe vraiment ici, elle essaie désespérément de tout minimiser, et elle ne doit pas gagner beaucoup d’argent. La répugnance qu’elle éprouve est palpable. Elle dit qu’elle n’a pas de clients réguliers.

« Est-ce que vous parlez de la prostitution avec vos amis ? » demande une autre femme.  « Pas vraiment » dit-elle. « J’ai très peu d’amis qui savent ce que je fais, je dis aux autres que je travaille dans un club de fitness, ils ne me posent jamais de question sur mon travail de toute façon. Et quand j’ai un partenaire, je lui dis ce que je fais, mais nous n’en parlons jamais non plus ».  Est-ce qu’elle parle aux autres femmes du bordel ? « Non—dit elle—c’est juste bonjour bonsoir ». La prostitution crée de la solitude.

« Et les autres filles ici, est-ce qu’elles sont différentes de vous ? » interroge une autre femme. D. élude. « Elles travaillent davantage, elles ont plus de clients, six ou sept par jour, mais pas moi ». Je me demande pourquoi elles doivent faire davantage de passes. Est-ce que c’est parce que, à la différence de D., elles ont un proxénète ? Je ne peux pas la blâmer de se définir par opposition avec les autres prostituées. Dans cette situation, on justifie sa propre existence en disant : « je m’en sors pas mal, mais les autres, elles ne s’en tirent vraiment pas bien ». Ce sont les hiérarchies de la prostitution : l’escort méprise les femmes qui travaillent dans des petits bordels. Celles qui travaillent dans les petits bordels snobent les prostituées qui travaillent au Laufhaus, celles qui sont assises sur leur tabouret de bar et doivent subir les regards des clients qui jugent leur physique (regarder les prostituées et juger leur physique est devenu un sport masculin populaire). Celles du Laufhaus méprisent les prostituées de rue. Se définir par rapport à celles qui sont en dessous de vous apporte au moins le sentiment de ne pas être encore tombée au fond du trou.

« Ne laissez personne vous faire croire que la prostitution, c’est terrible » nous crie D. quand nous quittons la pièce.

Après, il y a une discussion dans le bureau de l’association Dona Carmen. On pose une question sur les proxénètes à Juanita Henning, elle répond : « les proxénètes, ça n’existe pas, c’est un mot qui a été inventé pour stigmatiser les prostituées ». Le responsable de la visite guidée (qui est son co-proxénète) ajoute : « il n’y a que deux proxénètes condamnés par la justice chaque année dans tout le pays ! » Puis elle affirme que la prostitution, c’est comme l’homosexualité : les deux sont victimes de discriminations. Mais je me demande depuis quand la prostitution est devenue une orientation sexuelle ? Maintenant Juanita Henning est lancée : « la prostitution est contrôlée pour contrôler la sexualité des femmes, la sexualité de toutes les femmes. Les femmes ne peuvent avoir de rapports sexuels qu’avec les hommes avec qui elles ont un lien émotionnel ou social ». Elle présente la prostitution comme libératrice et totalement féministe : « Les hommes ont le monopole de l’achat de sexe, ce n’est pas en soi un problème mais les femmes devraient apprendre à faire comme eux. Il nous faut davantage d’escort boys, ce genre de choses ». Son but ultime semble être de nous convertir aux rapports sexuels impersonnels sans aucun souci du partenaire.

«Mais les femmes prostituées vendent leur sexualité » remarque une visiteuse. « La prostitution n’a rien à voir du tout avec la sexualité des femmes ! » rétorque Henning—qui il y a juste une minute nous disait le contraire–que la prostitution était une libération de leur sexualité. « Il ne s’agit pas de la sexualité des femmes, mais de celle des hommes, c’est uniquement centré sur leurs besoins sexuels ». Ah, enfin un moment de lucidité, mais ça ne dure pas longtemps : « c’est pour ça que les femmes ne tombent pas malades dans la prostitution, pas de maladies mentales ou de troubles psychologiques. Elles n’ont rien de tout ça, parce que ça ne les touche en rien, ça n’affecte pas leur sexualité. Les femmes mettent juste leur corps à la disposition des hommes pour un bref moment, c’est tout ».

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Une femme pose une question à propos des Hell’s Angels (un gang international de proxénètes). « Ce n’est pas un problème, dit la guide, absolument pas ». « Il n’y a pas de violence dans la prostitution ici », répète t’elle comme un mantra. « Les Hell’s Angels n’interviennent que pour collecter les taxes ».  « Les Hell’s Angels collectent les taxes pour le bureau des impôts ?» demande une femme incrédule. « Oui, confirme la guide, la municipalité les paye pour faire ça ! »

« Et la prostitution forcée ? Et les femmes étrangères qui sont battues et à qui on a pris leur passeport ? » intervient une autre. « C’est juste des clichés ». De nouveau, j’ai la tête qui tourne. Le plus inquiétant est qu’il y a des femmes qui croient ce qu’elle leur dit. « Je n’ai jamais vraiment pensé à ça sous cet angle, dit une des visiteuses, mais c’est tout à fait comme ça pour la sexualité des femmes, et c’est injuste qu’il n’y ait pas des bordels pour les femmes ».

« Pourquoi est-ce que des femmes vont voir l’association Dona Carmen ? » demande quelqu’un. Bonne question, et là non plus il n’y a pas de problème. « Elles viennent à cause des taxes » explique Henning qui, une minute avant, avait évoqué avec enthousiasme le cas de ces Roumaines et  Bulgares prostituées à Francfort qui, grâce à leur « travail », pouvaient s’acheter une jolie petite maison et nourrir leur famille. « Quand elles partent, elles ont des problèmes avec les impôts qui évaluent leurs revenus. C’est pour ça qu’elles viennent nous voir : quand elles partent, elles sont complètement fauchées, elles sont très pauvres.»

En effet, à part des conseils fiscaux, qu’est-ce des prostituées peuvent attendre d’une association qui affirme qu’il n’y a pas de prostitution forcée, pas de trafic, pas de proxénètes et pas de violence dans la prostitution ? « Mais est-ce que les femmes font vraiment ça volontairement ? » insiste une visiteuse. Henning répond sèchement : « la question est en soi discriminante ».

Une fois dehors, je demande aux femmes si elles croient ce qu’elles ont entendu. « En partie » disent-elles. Certaines pensent que c’était très exagéré mais d’autres croient tout ce qu’on leur a dit.

Contrairement à l’association « Dona Carmen » qui est largement médiatisée, les actions des associations abolitionnistes ne bénéficient d’aucune publicité de la part de la municipalité. Des femmes de plusieurs groupes abolitionnistes ont placé des affiches sur le sol pour rappeler aux passants le nom des femmes prostituées qui ont été assassinées. Bien que seuls les meurtres confirmés de prostituées qui ont eu lieu dans la région de Francfort soient mentionnés, il y en a beaucoup trop, le chiffre est effarant Les gens s’approchent et déposent des roses et des chandelles allumées. C’est triste, et c’est en contradiction totale avec le discours que je viens d’entendre. Maintenant, les rues sont encombrées et bruyantes, partout il y a des gens qui boivent. Les clients sortent des bordels comme s’ils venaient d’acheter des cigarettes et pas des êtres humains. Les abolitionnistes distribuent des tracts, engagent des discussions. La plupart des gens semblent touchés, certains essuient des larmes, d‘autres mentionnent qu’ils ont une prostituée dans leur famille ou parlent des femmes prostituées assassinées à Francfort qu’ils ont connues—et dont on n’a jamais parlé dans les nouvelles ou dans les rapports de police.

Dans une rue latérale, des strip teaseuses dansent sur une estrade. Dans une autre rue, des individus manifestement défoncés errent près d’un lieu de vente légale de drogue. Une prostituée transgenre marche dans la rue, cherchant des clients. Et je me demande, les gens qui font la fête ici, qu’est-ce qu’ils célèbrent au juste ? Est-ce que c’est bien de répandre des paillettes sur cette misère, de transformer cette violence en cirque ? Qu’est-ce qui se passe dans la tête de ces gens qui viennent ici pour s’amuser ? Est-ce qu’ils réalisent que le shot d’adrénaline que leur procure le fait de reluquer les femmes dans ce « quartier chaud » est classiste, sexiste et offensant? Ce qui pour eux est une petite balade en touriste est une vie de misère pour les femmes qui travaillent dans ces bordels.

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Je me demande si la ville de Francfort considère le discours que je viens d’entendre comme une information sérieuse sur la prostitution. Même si ces visites de bordels ne font plus partie du programme municipal officiel, Dona Carmen continue à « éduquer » le public sur ce qu’est la prostitution–en propageant des phrases creuses, en déformant et en minimisant la réalité. Et qu’est ce qui se passe vraiment avec les Hell’s Angels ? Chère ville de Francfort, seriez-vous en train de collaborer avec le crime organisé pour percevoir vos impôts ? Et si ce n’est pas le cas, pourquoi laissez-vous les proxénètes répandre cette rumeur? Est-ce que vous considérez que c’est bon pour l’image de la ville—parce que c’est tellement excitant et sexy? Je n’en reviens pas. Une organisation qui parle sans arrêt de « soi-disant prostitution forcée » et de « soi-disant trafic », et c’est à ces gens-là que vous confiez officiellement la tâche d’éduquer les citoyens sur la prostitution dans la brochure officielle publiée par la municipalité ? Alors que si on est informé-es de la violence et des meurtres commis par des clients, c’est grâce à une poignée de militantes abolitionnistes infatigables qui ne font pas partie du programme officiel d’information. On a l’impression que Francfort se fiche complètement des prostituées.

De retour chez moi, je regarde les évaluations des prostituées du bordel Laufhaus postées sur des sites de clients. Le Laufhaus, c’est le bordel où D. loue une chambre. Ces évaluations me donnent la chair de poule, elles sont venimeuses.

« Très chaude ! Et nous pourrons chevaucher cette chaude pouliche même maintenant qu’elle est enceinte en la sodomisant AO (AO = sexe anal sans préservatif ) .

«Oui, cette fille est sérieusement à l’Ouest. Pas étonnant, quand on se fait baiser et éjaculer dans la chatte par 30 mecs par jour. Et le crystal meth (drogue) la finit.

« Bonnes photos ! Elle a vraiment dû prendre cher la nuit dernière, vu que sa chatte est toute rouge ! »

« S. est une pute très consciencieuse, quelquefois elle accepte AVO. Elle est complètement droguée, complètement docile. Vous pouvez lui mettre n’importe quoi dans ses trous, des bouteilles, des bougies, n’importe quoi. Elle fait tout sans préservatif. Elle a une petite éponge à l’intérieur, comme contraception, lol. Je la baise régulièrement et j’éjacule jusqu’au fond de son utérus.  

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Mais rien de tout ça n’est un problème. Parce que le dégoût ressenti par ces femmes, ça veut dire qu’elles trouvent ces hommes attirants. Et d’ailleurs aucune femme prostituée ne ressent jamais du dégoût. C’est ce que j’ai appris aujourd’hui.

Et une bière et une cigarette pour fêter ça, sur fond de musique bruyante avec les collègues. Si je ne bois pas une bière pour fêter ça, quand est-ce que je le ferais ?

 

(Traduction Francine Sporenda)

Interview de Huschke Mau / Par Francine Sporenda

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translation: Francine Sporenda

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F :  Comment expliquez-vous que l’Allemagne (selon une citation populaire) soit devenue le « bordel de l’Europe » ?

H.M. : A mes yeux, les raisons qui font que l’Allemagne est devenue le point de transit numéro un du trafic d’êtres humains n’est pas seulement la conséquence de l’élargissement de l’Europe avec l’entrée des pays de l’Europe de l’Est, mais aussi de la demande. Nous avons une demande très forte en Allemagne : 1,2 million d’hommes visitent des bordels chaque jour. Ajoutez à ça nos lois qui promeuvent la prostitution : celle-ci a été légalisée en 2002, et donc il n’est plus illégal d’être proxénète ou manager de bordel. Le proxénétisme est criminalisé seulement si c’est « exploitatif »–ce qui veut dire si 50% des gains de la personne prostituée lui sont confisqués. Cela ne s’applique pas cependant aux loyers perçus sur les chambres louées dans les bordels, qui sont très élevés : de 100 à 180 Euros par jour, c’est la norme. Si les conservateurs et la droite ne désapprouvent la prostitution que de façon à ce qu’elle reste quand même un droit masculin clandestin, tandis que les prostituées sont méprisées, la gauche et les Verts ont des positions qui relèvent de l’enfumage : ils définissent la prostitution comme un travail, voire ils la présentent comme féministe ou « empowering ». Au lieu d’offrir des alternatives aux femmes ou des moyens d’en sortir, leurs efforts ne visent qu’à rendre la prostitution plus acceptable. Le fait que 89% des femmes veuillent en sortir est complètement passé sous silence.

F: Pouvez-vous nous parler de la « loi pour la protection des prostituées » récemment adoptée ? Qu’est-ce qu’elle prévoit ? Quels sont ses aspects négatifs et positifs (s’il y en a) ?

H.M. : Cette loi « Prostituiertenschutzgesetz » (loi de protection des prostituées) pose des régulations pour les managers de bordels et les prostituées. Elle a été passée cet été. Les managers de bordels doivent maintenant avoir un permis ou une licence pour exercer, ceux qui ont déjà été condamnés pour trafic d’êtres humains ne peuvent pas être autorisés à gérer un bordel. Les prostituées doivent s’enregistrer et elles doivent assister à des sessions individuelles de formation santé. De plus, le port du préservatif est maintenant obligatoire pour les clients, ce qui est le seul point positif de la loi. Les clients qui insistent pour ne pas porter de préservatif recevront des amendes élevées. Ceci dit, la stratégie politique mise en oeuvre par cette loi ne consiste qu’à faire disparaître les aspects les plus catastrophiques de la prostitution en Allemagne, par exemple les tarifs au forfait pour les bordels, ou les offres de « gang bangs » (viols collectifs) qui sont maintenant interdits, mais la situation des prostituées en tant que telle n’est pas abordée. Sauf pour les préservatifs obligatoires, il n’y a rien dans ces régulations qui responsabilise les clients, il n’y a aucune aide à la sortie, il n’y a rien qui offre aux femmes des alternatives. La loi ne stipule même pas 21 ans comme âge minimum d’entrée dans la prostitution, cette disposition a été refusée comme « interdiction d’activité professionnelle ». En conséquence, l’exploitation de filles très jeunes venant des régions les plus pauvres de l’Europe va continuer en Allemagne. La prostitution forcée est très difficile à prouver, même si la police estime que 9 femmes sur 10 travaillent pour un proxénète caché.

F : Vous dites que les administrations municipales sont chargées d’appliquer cette loi, et que cela est en soi la garantie qu’elles ne seront pas appliquées. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

H.M. : Les administrations municipales doivent en effet appliquer cette loi—mais les fonds qui leur sont alloués pour le faire sont insignifiants. Suite à la loi, les villes devront créer de nouveaux emplois, par exemple pour travailler dans les bureaux où les prostituées devront se faire enregistrer. On aura aussi besoin d’interprètes (beaucoup de prostituées allemandes sont d’origine étrangère NDLT). On aura besoin de médecins pour les formations-santé. Mais ce qui semble vraiment intéresser l’Etat, c’est de profiter financièrement de la prostitution au maximum, et pas du tout d’investir dans des aides efficaces pour les femmes concernées. Il n’y a pas assez de centres de conseil, il n’y a pas assez d’aides à la sortie, il n’y a pas assez d’alternatives disponibles pour les femmes prostituées.

F: Pouvez-vous expliquer comment la légalisation de la prostitution entraîne automatiquement le développement de la corruption dans la police, les administrations locales et les sphères politiques ?

H.M. : La légalisation, c’est avant tout les proxénètes, les managers de bordels et les clients qui en bénéficient. La prostitution légale envoie aux clients le message que c’est ok d’acheter une femme. Etre client, ça n’a plus rien de honteux en Allemagne, au contraire. Récemment, un homme a été traduit en cour de justice pour avoir étranglé une femme. La juge a suggéré que, s’il aimait étrangler des femmes, il aurait dû aller voir une prostituée ! La violence contre une certaine catégorie de femmes est ainsi normalisée, il n’y a aucune solidarité avec les femmes prostituées. Beaucoup d’hommes sont clients en Allemagne, des statistiques précisent qu’au moins 3 hommes sur 4 ont eu recours à une prostituée au moins une fois dans leur vie. S’ils peuvent le faire aussi facilement, pourquoi ne le feraient-ils pas ? Et en même temps, les prostituées, elles, ne sont pas du tout décriminalisées. Si elles ne respectent pas les régulations concernant les zones autorisées pour l’exercice de la prostitution, elles sont punies. Elles sont punies si elles ne payent pas leurs impôts. Et cela donne aux managers de bordels et aux clients les moyens d’exercer un chantage sur elles. De nombreux policiers et politiciens sont aussi clients. Mon premier proxénète était un policier, et j’avais de nombreux policiers comme clients. Et personne ne voit ça comme un problème—puisque le proxénétisme est légal. Et comme ces policiers et ces politiciens sont clients, ils prennent des décisions qui servent leurs intérêts en tant que clients.  Et l’existence de bordels dans une ville augmente considérablement le montant des revenus fiscaux cette ville, voir ce que paient en impôts des méga-bordels comme le « Pasha » à Cologne. C’est un très gros fromage pour les politiciens, il est hors de question qu’ils y renoncent.

F: Pouvez-vous nous parler de ces chaînes de méga-bordels en Allemagne ? Et comment les maltraitances sur les femmes prostituées y sont sans doute pires que dans toutes les autres formes de prostitution (tarif au forfait, gang bangs, systèmes de surveillance des prostituées comme dans une prison etc.) » ?

H.M. : Oui, en effet, en Allemagne, nous avons des bordels géants. Il y a deux types de bordels. Ceux dans lesquels les clients et les femmes se rencontrent, et ils peuvent ensuite monter dans les chambres. Et ceux où les clients défilent dans les couloirs devant les femmes assises devant la porte de leur chambre pour faire leur choix. Oui, la loi de protection des prostituées de 2017 a supprimé les offres au forfait et les gang bangs, mais ce qui se produit actuellement, c’est que les grands bordels prospèrent, tandis que les plus petits, ou les bordels en appartement, sont en train de fermer.

F : La légalisation a fait des proxénètes et des trafiquants d’êtres humains des hommes d’affaires respectables. Vous mentionnez sur votre blog le cas du prince  de Sachsen Anhalt qui a investi une partie de sa fortune dans des bordels. Ces « hommes d’affaires » peuvent maintenant passer ouvertement des annonces d’offres d’emploi pour recruter de nouvelles prostituées, des publicités pour les bordels sont visibles partout en Allemagne. Pouvez-vous nous parler de cette normalisation du proxénétisme et de la prostitution, et de l’effet que cela produit sur la société allemande et sur la situation des femmes en général?

H.M. : Quand on voit des managers de bordels passer dans des émissions à la télé ou même avoir leurs propres shows télévisés, cela fait monter l’acceptation sociale de l’achat du corps des femmes à un niveau record. Gérer des bordels, en être propriétaire ou être client, ce n’est plus vu comme choquant en Allemagne. Par contre, cela n’a pas pour conséquence une acceptation plus large des femmes prostituées, elles sont toujours considérées comme de la racaille. Vendre du sexe est toujours vu comme méprisable et immoral, tandis qu’acheter du sexe est devenu parfaitement normal. C’est maintenant vers les clients et les proxénètes que va la sympathie du public—et c’est le résultat de la légalisation.

Une autre conséquence de la légalisation est de normaliser les violences envers les femmes. J’ai dû supporter d’entendre des personnes de ma connaissance qui ne savaient pas que j’étais prostituée me faire la leçon sur le fait que l’achat de sexe serait un service parfaitement normal. En même temps, la normalisation de la prostitution a des effets à long terme sur la façon dont la société comprend (ou plutôt ne comprend pas) les autres formes de violence sexuelles envers les femmes. On a maintenant des situations où les femmes qui portent plainte pour viol sont harcelées en retour avec des accusations de diffamation si le perpétrateur ne peut pas être condamné par manque de preuves. Ceci n’est pas une coïncidence.

F : Pouvez-vous nous parler des « syndicats de travailleuses du sexe » et du lobby pro-prostitution en Allemagne ? Qui sont ces gens ? Combien de vraies prostituées dans ces groupes?

H.M. : Ici, nous avons le BSD (Berufsverband Sexueller Dienstleistungen), l’«Association professionnelle des services sexuels », qui n’est en fait qu’une association de dirigeants de bordels et qui est pourtant consultée régulièrement par les politiciens sur toutes les questions touchant à la prostitution, bien qu’ils ne soient que des managers. Il y a aussi le BESD (Berufsverband erotische und sexuelle Dienstleistungen), l’«Association professionnelle des services érotiques et sexuels », qui se présente comme une sorte de syndicat pour les « travailleuses du sexe », mais en fait ceux qui sont ses porte-parole gèrent des donjons de dominatrices ou louent des chambres aux prostituées—et sont donc aussi des opérateurs de lieux de prostitution. L’association ne veut pas révéler combien elle a de membres. Hydra, un centre de conseil et de lobbying à Berlin, donne ouvertement des conseils pour faciliter l’entrée en prostitution.

F: Vous dites que les associations pro-«travail du sexe » ne sont pas seulement inutiles pour les femmes qui veulent sortir de la prostitution, mais qu’en fait elles essaient d’empêcher les femmes prostituées d’en sortir, ou même elles tentent d’attirer de nouvelles recrues. Pouvez-vous nous parler de ça ?

H.M. : Ces associations ont commencé à dire (suite à des pressions politiques) qu’elles soutiennent les femmes voulant sortir de la prostitution—parce que, selon elles, tout le monde n’est pas fait pour ce « travail ». Mais en fait, ces déclarations ne débouchent sur aucune aide. Au lieu de soutien à la sortie, nous avons des centres qui conseillent les prostituées et font du lobbying, et de toute façon il n’y en a pas beaucoup. Il y a des Länder ou des états qui n’en ont aucun. Et quand il y en a, ils sont pro-« travail du sexe ». Cela veut dire qu’ils font campagne pour que les femmes prostituées ne soient pas vues comme un groupe exerçant une activité à haut risque, malgré tous les meurtres de prostituées perpétrés dans ce pays. Parce que selon eux, présenter les prostituées comme groupe à risque serait stigmatisant. De plus, j’ai entendu parler de cas où on a dit à des femmes prostituées qui voulaient quitter la prostitution qu’il fallait simplement qu’elles changent de branche et se reconvertissent dans la domination au lieu d’être escorts. Cela ne les aide pas vraiment bien sûr.

F: Peut-on dire que l’Etat allemand est le plus grand des proxénètes ?

H.M. : Beaucoup de ces associations de conseil et de lobbying reçoivent des subventions publiques ou de l’Etat. Comme elles ne donnent aucune aide aux femmes qui veulent sortir et comme celles-ci sont juste encouragées à mieux s’adapter au « travail du sexe », le résultat est que beaucoup vont rester bloquées dans la prostitution, même si ce n’est pas ce qu’elles veulent. Et c’est l’Etat qui profite de ça, parce que ces femmes continuent à payer des impôts. Certaines femmes prostituées paient jusqu’à 30 Euros d’impôt par jour–la soi-disant « Vergnuegungssteuer » ou « taxe du plaisir »–ce qui est une appellation parfaitement cynique, parce que je ne connais aucune femme qui tire du plaisir de ce « travail ». Et les femmes prostituées doivent supporter des coûts et des frais énormes : 100 à 180 Euros par jour pour une chambre dans un bordel (payés au propriétaire du bordel), plus les impôts (payés à l’Etat), plus ce qu’elles versent à leur proxénète.

F:  J’ai vu que maintenant les bordels allemands reçoivent des évaluations comme les hôtels ? Est-ce que c’est vrai ?

H.M. : Le BSD, une association de managers de bordels, a lancé un « label de qualité » qui récompense certains bordels. Dans ces bordels, les femmes sont présentées comme « travaillant » volontairement, indépendamment de tout proxénète et loin de toute activité criminelle. Bien sûr, ce label de qualité est complètement bidon : un club de propriétaire de bordels qui décerne des labels de qualité à des bordels, comment ces évaluations peuvent-elles être objectives et indépendantes ? L’association a même admis qu’il s’agit d’une nouvelle stratégie de marketing pour séduire des clients qui n’auront plus à se soucier de savoir si les prostituées qu’ils payent sont contraintes ou pas. En fait, de toute façon, les clients s’en fichent, ou même ils préfèrent que les prostituées soient contraintes, parce qu’elles sont alors plus vulnérables, qu’il est plus facile d’abuser d’elles, qu’elles posent moins de limites aux exigences des clients et ne peuvent pas refuser des pratiques sexuelles extrêmes. Ce label de qualité vise à racoler un certain type de clients, ceux qui prétendent être « éthiquement corrects » et qui pourront désormais aller au bordel sans états d’âme.

Traduction anglaise Inge Kleine

Traduction française Francine Sporenda

POURQUOI IL EST SI DIFFICILE DE SORTIR DE LA PROSTITUTION ?

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On me demande parfois pourquoi il est si difficile de sortir de la prostitution.  Cela m’a pris des années pour en sortir, j’y suis retournée plusieurs fois, et je ne suis pas la seule. Ce qui rend la sortie si dure est la complexité de la situation. Quand je suis allée voir un service de conseil pour les personnes prostituées afin de demander de l’aide pour en sortir, on m’a dit : « si vous ne voulez plus faire ça, vous n’avez qu’à ne plus retourner au bordel ! » Mais ce n’est pas aussi simple que ça.

La plupart des prostituées ont eu de très mauvaises expériences avec toutes les formes d’autorité ou d’institutions officielles. En fait, ces institutions pourraient bien être la raison pour laquelle ces femmes ont commencé à se prostituer. Celles qui, comme moi, ont appris combien c’est facile de passer entre les mailles du filet de la protection sociale en Allemagne et de notre système de sécurité sociale, savent où il ne faut pas aller si l’on veut de l’aide. Dans mon cas, les services de l’enfance ont prétendu que je m’étais enfuie de chez moi non à cause des violences que je subissais mais simplement parce que l’on ne m’avait pas donné « assez d’argent de poche ». L’aide que j’ai reçue dans un refuge pour filles, je ne l’ai obtenue que grâce aux efforts de travailleurs sociaux dévoués, et elle s’est terminée beaucoup trop tôt. Quand vous atteignez l’âge de 18 ans, cette aide s’arrête. Personne n’a pris en considération que se retrouver sans aucune aide, c’est une situation très grave pour une jeune adulte très traumatisée qui n’a plus de contact avec ses parents, aucun soutien, et qui n’a pas le sou. Au refuge pour filles, il y avait une fille qui était arrivée là parce que son père la violait régulièrement. Les services de l’enfance l’ont contrainte à s’asseoir face à son père et à discuter avec lui, il s’agissait d’organiser une confrontation entre eux afin qu’ils puissent « s’expliquer ». Le père a tout reconnu, il s’est excusé et les services de l’enfance ont décidé : « voilà, il s’est excusé, il ne recommencera plus, vous pouvez rentrer à la maison maintenant. » Je suis sûre que cette fille ne s’adressera plus jamais à une institution officielle si elle a besoin d’aide.

Toutes ces administrations, la sécurité sociale, les services de prêts aux étudiants, les bureaux « Pôle emploi » et d’indemnisation du chômage, les services d’aide au logement, c’est du pareil au même : « ça n’est pas de notre ressort », des délais interminables pour traiter les dossiers, des remarques stupides. Au service d’aide aux étudiants, on m’a dit : « si vos parents ne veulent pas signer le dossier de candidature, vous devez avoir fait quelque chose de mal. C’est habituellement la faute des enfants. Est-ce que vous avez songé à vous excuser ? ». Au service du logement : « Nous traitons votre dossier depuis presque un an, on vous tiendra au courant. Qu’est-ce que vous dites ? Vous ne pouvez plus payer votre loyer ? Alors, si vous n’avez plus d’appartement, vous n’avez plus droit à une allocation logement, et nous arrêtons de traiter votre dossier. » Je connais des prostituées qui veulent en sortir mais les services du chômage refusent de leur accorder une aide financière et menacent de leur infliger une suspension de paiements de trois mois si elles mettent fin à leur « contrat » avec le bordel, parce qu’elles ont un travail après tout. D’autres qui essaient d’en sortir ne reçoivent pas non plus la totalité des aides auxquelles elles ont droit parce que ces services présument qu’elles continuent à se prostituer secrètement, et ont donc un revenu—une somme totalement imaginaire, basée sur des fantasmes, qui est ensuite déduite des paiements. Celles qui échouent dans la prostitution ou y restent bloquées à cause de ces problèmes n’y sont pas suite à un « choix libre » mais suite à un choix entre deux options pareillement indésirables (mourir de faim et devenir SDF ou se prostituer).

Les centres pro-prostitution qui offrent du soutien et des conseils aux prostituées qui veulent en sortir ne sont pas habituellement de leur côté. Au service d’aide Mimikry à Munich, ils ont célébré leur anniversaire avec le propriétaire d’une agence d’escorts, Stephanie Klee, ce qui met en évidence qu’ils soutiennent ce genre d’activité. Le chef du bureau de la Santé publique à Dresde qui dirige aussi un service d’aide intervient comme conférencier à des événements pro-prostitution et glorifie la prostitution comme une prestation de service fantastique pour les clients, invalides ou pas. Kassanda à Nuremberg maintient que la violence est rare dans la prostitution et que les prostituées ne peuvent être considérées comme un « groupe à risques » parce que cette appellation les stigmatise et les expose à la violence. Ceci alors que, seulement en Allemagne, plus de 70 prostituées ont été assassinées depuis le passage de la loi légalisant la prostitution en 2002. La plupart des centres d’aide qui sont pro-prostitution parlent de « travail du sexe », aident les femmes à entrer dans la prostitution et non à en sortir et affirment que le plus grand problème auquel sont confrontées les prostituées, c’est la stigmatisation et pas la violence elle-même. Je connais des femmes qui ont contacté ce genre de centres et à qui on a dit que le problème n’était pas le « job », mais elles-mêmes, et pourquoi elles ne changeaient pas d’orientation dans la prostitution ? Par exemple en choisissant l’option de l’escorting ou du SM ? Si vous contactez ce genre de centres, non seulement vous ne recevrez aucune aide mais on vous fera honte de votre incapacité à faire ce « travail ».

 

Un autre problème est justement le manque d’alternatives. La situation de l’emploi en Allemagne n’est pas exactement idéale. C’est difficile de trouver du travail pour les femmes qui ont un casier judiciaire suite à des délits dans un contexte prostitutionnel (comme de violer les régulations urbaines en « travaillant » sous l’influence de l’alcool ou des drogues). Ou qui ont des trous dans leur C.V. qui ne peuvent pas être camouflés même en fabulant très bien. De plus, les femmes qui ont passé des années dans la prostitution n’ont que peu ou pas du tout d’expérience professionnelle, et souvent n’ont jamais reçu aucune formation. Les seuls jobs qu’on leur offre sont ceux avec un maximum d’heures et un salaire minimum. Quelqu’un qui vient de quitter la prostitution doit habituellement faire face aux problèmes résultant du trauma, c’est-à-dire un stress permanent. Et si vous êtes constamment à court d’argent, vous faites ce que vous savez faire et pouvez faire– et vous retournez « travailler ». Je ne connais aucune prostituée qui ait la confiance en soi nécessaire pour postuler pour un job normal.

Et aussi : le trauma. La plupart des prostituées souffrent de stress post-traumatique, du type de celui dont souffrent les victimes de tortures. Elles souffrent de troubles de l’anxiété, de manque de confiance en elles, de comportements obsessionnels—par exemple se laver constamment ou répéter compulsivement des rituels absurdes censés leur procurer une impression de sécurité–je dois toucher du bois quand j’ai des pensées effrayantes. Et j’en ai souvent. Quand je ne peux pas le faire, j’ai une attaque de panique. Je sais que ça peut paraître fou pour ceux qui le voient et que ça ne sert absolument à rien mais je ne peux pas m’en empêcher. Quand je suis passée du bordel à l’escorting, j’avais perdu l’habitude de sortir de chez moi pendant la journée, je ne pouvais plus supporter la lumière du jour. Et je ne supportais pas non plus quand les gens étaient trop nombreux autour de moi. Une personne dont les limites sont violées chaque jour et chaque heure risque d’être incapable de rester au milieu d’un groupe parce que son système d’alarme va être constamment en alerte : «c’est un homme : danger ! » Je ne peux même pas essayer de parler de ce que c’est d’être sortie de la prostitution et d’avoir des flashbacks, et des choses qui vous les déclenchent. Les cauchemars et les troubles du sommeil sont épuisants. C’est presque impossible d’avoir l’air normal et de fonctionner dans la « vie normale ». Et vous vous sentez différente des autres, inférieure, plus blessée. Brisée. Les gens vous semblent inquiétants, ceux qui paraissent normaux encore plus, parce qu’ils vous font voir ce que vous n’êtes plus : sans blessures, sans inquiétudes, sans peurs. Entiers. Gentils. De bonne humeur. Pour pouvoir supporter la prostitution, vous devez séparer votre conscience de votre corps, vous dissocier. Le problème est que vous ne pouvez plus ramener votre conscience dans votre corps plus tard. Le corps reste séparé de votre âme, de votre psyché. Vous n’avez plus de contact avec vous-même. Ca m’a pris plusieurs années pour apprendre que ce que je ressens parfois est la faim. Et que ça veut dire que je devrais manger quelque chose. Ou que cette autre sensation que je ressens est le froid. Et que je devrais alors mettre quelque chose de chaud. C’est épuisant d’apprendre—ou de ré-apprendre—que votre corps a des besoins, de le ressentir et encore plus épuisant de prendre soin de soi. De ne plus vous traiter comme de la m…de. De dormir quand vous êtes fatiguée—parce que vous n’êtes plus assise dans un bordel ouvert 24 heures sur 24, et que vous devez prendre le prochain client. Que vous n’avez plus à supporter le froid parce que vous êtes dans la rue en train de vous prostituer alors que la température est en dessous de zéro. Que vous pouvez changer les situations qui vous causent de la douleur au lieu d’éliminer la douleur par la dissociation ou par les drogues et l’alcool.

Mais le trauma ne vous lâche pas aussi facilement. Vous vous y habituez. Ce phénomène s’appelle « trauma bonding », et c‘est la raison pour laquelle les femmes battues par leur mari retournent avec lui. Les situations traumatiques peuvent être addictives parce qu’elles causent une sécrétion massive d’adrénaline—et c’est une substance addictive. De plus, une situation violente est quelque chose que les personnes qui ont fait l’expérience de la violence extrême de la prostitution connaissent bien. Je l’ai appris dès l’enfance : le lieu où j’ai peur, où j’ai mal, où je suis dégradée, c’est le lieu où je dois être. C’est chez moi. C’est pourquoi, même aujourd’hui, je dois encore lutter dans les situations où je suis en danger, et décider contre le danger et m’en éloigner. Ces situations sont merdiques mais familières, je les connais. Les situations dans lesquelles les gens sont gentils avec moi, ne hurlent pas, ne me violentent pas, sont inquiétantes. Je me sens rapidement inférieure. Mon esprit me signale : « il y a quelque chose qui ne va pas, c’est bizarre ». La prostitution, ça ressemble à de l’auto-destruction. Non, la prostitution C’EST de l’auto-destruction.

 

Les addictions sont un autre obstacle à la sortie. De nombreuses prostituées s’anesthésient avec des drogues, l’alcool, les cigarettes, parce que c’est la seule façon de fonctionner. Cette situation développe sa propre dynamique et bientôt, vous avez un problème supplémentaire à gérer.

C’est difficile de trouver une psychothérapie pour les ex-prostituées. Cela prend beaucoup de temps et de courage pour obtenir une place en thérapie et de plus, beaucoup de thérapeutes, hommes et femmes, n’acceptent pas que la prostitution soit une violence (j’écrirai un texte sur la psychothérapie un jour).

Comme les psychothérapeutes, l’ensemble de la société a un problème pour reconnaître les dommages causés par la prostitution, pas seulement pour la société mais pour la prostituée individuellement. Sortir de la prostitution– alors qu’à l’extérieur du monde prostitutionnel, la prostitution est vue comme quelque chose de complètement normal, quelque chose dont on fait la publicité sur d’immenses panneaux dans les grandes rues, dont les annonces publicitaires sont placardées partout sur les taxis, et quand vous lisez constamment des expressions comme « travailleuse du sexe », et que vous êtes régulièrement confrontée à des textes qui minimisent ou même glamourisent ce ‘job’ », ça vous fait quelque chose. Sans même parler des gens qui se croient obligés de traiter de « sale putes », de « chercheuses d’or », de « femmes vénales » ou de racaille les ex-prostituées qui osent parler en public–en commentaire, juste sous les articles que ces femmes ont écrits ou les interviews dans lesquels elles s’expriment. Sortir de la prostitution, puis s’entendre dire que « tout ça, c’est de votre faute », que vous avez fait « de mauvais choix », ou que vous êtes une menteuse vous envoie le message que vous devriez rester dans la prostitution, puisque quand vous en sortez, la dégradation continue.

Une perception d’elles-mêmes altérée et une estime de soi très basse isolent la plupart des prostituées de leur environnement non-prostitutionnel. Après des années passées dans le monde de la prostitution, la plupart des prostituées ne connaissent personne hors de ce milieu. C’est comme un monde parallèle, et parfois, il vous semble que c’est le seul monde réel. Parce que vous n’avez aucune confiance dans les autres humains, et en particulier dans les hommes. Vous savez maintenant de quoi ils sont capables, votre corps en a fait l’expérience et vous savez à quoi vous en tenir sur la façade bourgeoise du monde du dehors. Parce que les clients ne paradent pas seulement dans le monde souterrain, ils évoluent aussi dans le monde « normal ». Et dans ce monde-là, en tant qu’ex-prostituée, vous êtes montrée du doigt comme un objet de honte non seulement par les clients mais aussi par tous les autres, tandis que les clients ne sont nullement stigmatisés ni tenus pour responsables de leurs actes. Et donc, vous pouvez aussi bien rester dans la prostitution : par comparaison, cet endroit apparaît au moins honnête–de la violence contre de l’argent– tout le monde sait ce que vous faites, tout le monde fait la même chose, les règles et les mécanismes sont connus.

 

Toutes les prostituées, y compris les Allemandes, subissent des pressions à la moindre tentative de changer de « club » ou de quitter leur bordel. La coutume habituelle est de se racheter soi-même si l’on veut sortir, de l’argent doit être versé. Une collègue allemande qui voulait disparaître d’un bordel a dû subir pendant une année le stalking du propriétaire de bordel qui l’avait violée constamment. Il a crevé ses pneus, il est entré dans son appartement, il a menacé son petit ami, il a révélé à ses parents l’origine de l’argent qu’elle gagnait. Il l’a seulement laissée tranquille après qu’elle lui eut réglé 3 000 Euros pour le dédommager (ces règlements sont souvent euphémisés sous le nom de « dettes contractées par la prostituée »). Ce que cela signifie :  des amendes pour avoir été en retard, pour ne pas avoir nettoyé sa chambre, pour avoir refusé des clients, pour absences, le loyer pour la chambre qu’elle louait et qu’elle a dû payer bien qu’elle n’ait pas reçu de clients ou ait été malade etc. Je ne parle même pas des « partenaires » des prostituées qui profitent aussi de leur « travail ».

Dans tout cela, je n’ai pas non plus abordé le cas des prostituées étrangères qui ne parlent pas allemand, qui ne connaissent la police que par les policiers corrompus de leur pays d’origine (cette corruption existe aussi en Allemagne), qui n’ont aucun droit aux aides ou à la Sécurité sociale, qui n’ont pas de couverture maladie et qui sont transférées d’une ville à l’autre et d’un bordel à l’autre chaque semaine, si bien qu’elles ne savent même plus où elles sont.

Et même si elles le savent, vers qui pourraient-elles se tourner ?

L’Etat allemand ne leur accorde aucune aide. Il laisse la totalité du financement de la nouvelle « loi de protection des prostituées » aux municipalités et ainsi assure que ces municipalités veilleront à ce que les clients continuent à avoir les mêmes opportunités d’avoir recours aux prostituées–se mettant ainsi dans la poche des revenus considérables.

Et ceci amène à poser la question : est-ce que l’Etat a un quelconque intérêt à empêcher que des jeunes filles et des femmes se retrouvent dans la prostitution ou à aider des prostituées à en sortir. En fait, ça ne fait même pas partie de ses objectifs !

 

 

(c) Huschke Mau

 

 

  • En Allemagne, des étudiants sans ressources ou issus de familles à très faibles revenus ont droit à des prêts étudiants de l’Etat pour couvrir leurs dépenses. L’emprunt doit être remboursé lorsque les étudiants commencent leur carrière professionnelle, mais le taux d’intérêt est faible et il existe des clauses particulières dans le cas où l’étudiant reste sans ressources ou a des enfants, ou des parents proches dont il doit s’occuper et soigner. En même temps, la bureaucratie complique les choses et les met en danger en multipliant les délais.
  • Les parents doivent signer le dossier de candidature en fournissant une attestation de revenus pour que les étudiants puissent bénéficier de ces prêts. Les parents peuvent y être forcés par les autorités mais les étudiants doivent savoir à quels services poser leur candidature et les administrations et employés concernés doivent être disposés à poursuivre leurs dossiers.